Les huîtres durant l’Antiquité
L’huître était déjà cultivée dans la Chine antique. Des bambous entaillés sur lesquels étaient fixées des coquilles étaient alors disposés en mer afin que les larves d’huître viennent s’y fixer, telle une sorte de collecteurs ancestraux.
La finesse de ce met était donc déjà plébiscitée dans le bassin méditerranéen antique.
Au Ve siècle av. J.-C., les Grecs se servaient même de leur coquille comme bulletins de vote dédiés aux condamnations au bannissement. Ils y gravaient le nom de l’homme politique qu’ils souhaitaient bannir de la cité, ce qui donnera plus tard le terme ostracisme.
L'Élevage des Huîtres par Sergius Orata
L’Huître dans l’histoire
Le goût pour les saveurs de l’huître a ensuite été ramené de Grèce par les Romains.
Ingénieur et marchand, Sergius Orata (-140-90 avt J.C.) l’éleva au rang de produit de luxe en organisant l’élevage, et en créant des parcs à huîtres sur le lac de Lucrin, dans la baie de Naples.
Les parcs étaient alors constitués de structures en bois auxquelles étaient suspendus des systèmes de cordages sur lesquels s’arrimaient les mollusques.
La Consommation d'Huîtres dans l' Antiquité Romaine
L’huître plate devint alors très prisée de l’élite romaine qui en développa l’importation, jusqu’à la faire plus tard convoyer, depuis le bassin de Marennes vers la Gaule conquise.
Des viviers étaient alors présents tout du long de la « route des huîtres » (Clermont, Poitiers, Saintes, Jarnac) afin de permettre l’alimentation régulière en eau de mer à chaque étape de l’importation.
En raison des bordures de leur manteau, les Romains la nommaient alors callibléphare, « belle paupière ».
Des traces d’une consommation courante d’huîtres dans la Rome Antique ont été retrouvées sur les vestiges de multiples villas romaines sous la forme d’amas de coquilles, que les romains transformaient également en coupelles et bijoux.
Truffes de Thétys
Récoltées plus tardivement à l’époque qu’elles ne le sont aujourd’hui, les huîtres n’étaient consommées qu’au bout de huit à dix ans.
Alors qu’on les appréciait crues sur le littoral, à l’intérieur des terres, du fait du temps de transport supplémentaire et donc d’une fraîcheur plus passée, on les consommait plutôt cuites.
Témoignant du prestige que les Romains accordaient à ce met, Cicéron dénonce la grossièreté d’un hôte qui n’offre pas d’huîtres à sa table.
Tout comme le vin, les huîtres baptisées « truffes de Thétys » (la déesse de la mer), est un symbole de luxe et de bon goût.
L'Huître au Moyen Âge
Au Moyen Âge, dans une société dictée par le rythme ecclésiastique, l’huître se révèle être un met de choix comme gourmandise non pécheresse.
Considérée alors comme un aliment maigre, elle pouvait être consommée sans modération ni culpabilité durant les quarante jours de carême ou les vendredis.
C’est au XVIe siècle que l’huître devient un plat à part entière et plus seulement un hors d’œuvre. On commence à la déguster lors de déjeuners au cours desquels ne sont servies que des huîtres.
Le Déjeuner d’huîtres, Jean-François de Troy, 1735
L'huître dans l'histoire
Époque Moderne
C’est principalement sous Louis XIV que l’huître acquiert son statut de star des grandes tables françaises, et donc par mimétisme des cours de l’Europe entière.
L’anecdote persiste que le cuisinier du roi se suicida car un jour une bourriche n’était pas arrivée à temps pour le repas de Sa Majesté.
Les Anglais de passage à Paris s’étonnaient alors de la technique adoptée pour conserver les huîtres fraîches jusqu’à leur arrivée dans la capitale : on les retirait intégralement de leur coquille pour les empiler dans des paniers paillés. Elles arrivaient ainsi déjà prêtes à être mises en ragoût.
L 'Abondance des Huîtres Plates
au XVIIe siècle
Au XVIIe siècle, les huîtres plates abondaient sur nos côtes, notamment sur celles de la Mer du Nord et de la Manche. Les bancs semblaient tellement inépuisables que l’on en oublia l’élevage, jugé inutile, et on se contenta de simplement pêcher les huîtres.
Nature morte aux huîtres, Osias Beert, 1610
L'impact de l' Abolition de la gabelle sur les marais salants
Avec la Révolution et l’abolition provisoire en 1790 de la gabelle (l’impôt sur le sel faisant jusqu’alors l’objet d’un monopole royal), le sel perd de son importance dans le système monétaire français, permettant alors la récupération de nombreuses zones de marais salants, transformés en claires.
La production de l’huître plate augmente de manière significative jusqu’à une exploitation intensive des bancs et à l’épuisement des ressources naturelles. De nouvelles réglementations sont alors mises en place pour tenter de limiter le phénomène, contraignant dans leurs élevages les populations locales qui vivent de cette activité.
De la Street Food aux défis de l'Industrialisation
Au début du XIXe siècle, l’huître est tout autant appréciée que deux siècles plus tôt aux tables des grandes cours européennes, mais cette fois, évoluant avec son temps, davantage comme un plat apparenté à la street food naissante des rues parisiennes, londoniennes ou encore new-yorkaises.
Sur l’année 1860, le petit port de Whitstable, au sud de l’Angleterre, en aura acheminé 50 millions de tonnes vers Londres. Vers la fin du siècle, les new-yorkais en consomment un million chaque jour.
Son industrialisation commence alors à devenir également controversée outre-Atlantique, non seulement car là-bas aussi elle mène vers une extinction de l’espèce, mais également parce que ce sont des enfants qui les récoltent, comme le montrent les photographies de Lewis Hine au début du XXe siècle, mettant en lumière les conditions de travail des écaillers en Louisiane, dont les plus jeunes n’ont pas plus de 4 ans…
Napoléon III
La Fondation de l'Ostréiculture Moderne
En France, c’est Napoléon III qui théorise véritablement l’élevage et la commercialisation ostréicole, posant les jalons de l’ostréiculture moderne en réorganisant l’exploitation du domaine maritime et en démocratisant la technique de chaulage pour le captage des huîtres.
Nature morte aux huîtres, Gustave Caillebotte, 1881
L’Huître dans l’histoire
L'Ascension et le Déclin de l'Huître Portugaise en Europe
À la même époque, les exploitants européens se tournent vers une nouvelle variété d’huître plus robuste qui fleurit sur les côtes portugaises. Plus résistante et à la croissance plus rapide, elle supplante rapidement de 2/3 l’huître française sur le littoral atlantique.
Mais dans les années 1970-80, en corrélation avec la mondialisation des échanges, deux parasites envahissent les côtes européennes et déciment cette espèce endémique du continent dans sa quasi intégralité, donnant lieu à une terrible crise économique du secteur ostréicole.
Quelques élevages se perpétuent néanmoins encore en France, notamment dans la baie du Mont-Saint-Michel, légèrement plus préservée des maladies.
Recherchez la toile : Nature morte aux huîtres, Matisse, 1940
L'Expansion de l'Huître creuse japonaise en Europe
L’huître creuse, importée du Japon pour sa résistante bien plus importante que sa cousine européenne, est alors utilisée pour repeupler abondamment nos côtes, de la Bretagne à la Normandie et à la Charente-Maritime, et même en bordure de certains étangs, comme celui de Thau.
Sa faculté d’adaptation en eau douce comme en milieu marin a permis une dissémination remarquable pour une espèce implantée il y a seulement une cinquantaine d’années.
Avec le réchauffement climatique et la hausse de la température des eaux, on commence même à la voir migrer vers les côtes Atlantique Nord, atteignant progressivement l’Allemagne, la Hollande et les côtes irlandaises.
L’Huitre un délice millénaire
Ce n’est donc pas d’hier qu’on considère l’huître comme un met de choix.
Coquillage raffiné millénaire, il agrémente nos tablées depuis l’Antiquité, et continuera de contenter nos papilles tant que des producteurs passionnés s’investiront dans leur culture.