Êtes-vous prêts à embarquer sur le fiacre du ponton, revêtus de votre plus belle chulotte pour vous prémunir de la fagne, avant de hisser les poches sur les balancelles, de préférence sans chafraille ?
Quezako ?
C’est normal, on vous le pardonne !
Le vocabulaire ostréicole est riche en homonymes imagés ou simples patois locaux.
Afin de mieux vous immerger dans le langage fleurit de notre monde, voici quelques définitions pour vous éclairer.
Mais attention, d’un bout à l’autre du pont ce vocabulaire peut encore changer, preuve en est de l’imagination florissante de nos chuvasoutes…
Vocabulaire ostréicole concernant le matériel
Fiacre : Vous ne trouverez aucune calèche ni canasson tractant nos palettes de poches. Contre toute attente, le fiacre n’est autre que la poupe du chaland. Quel rapport me direz-vous ?
Nul ne semble s’en rappeler…
Ponton : Il désigne communément une plateforme flottante. Les continentaux utilisent également ce terme pour évoquer les chalands, autrement appelés bacs ou barges.
Lasse : Petit bateau ostréicole à fond plat.
Ambulance : Autre moyen de transport ostréicole improbable ?
Nullement. Encore un petit détournement sémantique autrefois employé pour désigner … un casier …
Balancelle : Durant nos pauses, nous nous plaisons à nous prélasser au soleil en nous laissant bercer par le va-et-vient des balançoires gracieusement installées dans chaque cour des cabanes ostréicoles.
Mais bien sûr ! C’est bien connu… La balancelle n’est autre que le support métallique sur lequel nous entassons les poches pêchées à la marée.
Table : Châssis métallique mis en place dans les parcs marins, sur lequel sont disposées les poches d’huîtres.
Gueuse : Et non, les « mendiantes médiévales sorties des Visiteurs » ont cessé de parcourir nos contrées depuis belle lurette… La gueuse est un bloc de béton servant d’ancrage.
Chulotte : Patois de la culotte, il s’agit en réalité de la chatoyante salopette cirée que nous revêtons pour nous protéger de l’humidité et de la vase.
Quichenotte : Coiffe typique charentaise utilisée pour protéger le cou et les joues des femmes.
Le langage fleuri des huîtres
Heûtte : Patois typiquement oléronais désignant tout bonnement une huître.
Asperge ou banane : Quelques fruits et légumes pour agrémenter nos paniers d’huîtres ? Que nenni. Les asperges et bananes de notre jargon sont des huîtres allongées, aussi nommées « oreilles de lièvre », « longasse », ou tout simplement « longues ».
Marron : De même que le marron qui est en réalité une huître qui se développe lentement.
Boudeuse : Joli terme désignant une petite huître très âgée et n’ayant plus la faculté de pousser.
Coquette : Délicat surnom d’une huître sauvage pêchée à même les rochers.
Papillon : Après les marchés primeurs, partons nous balader parmi la faune avec ce bel insecte évocateur d’une huître très légère.
Galoche : Nulles embrassades sur le chaland au coucher du soleil : moins romantique, la galoche est une grosse huître sauvage très âgée.
Lard : Comme son nom l’évoque, il s’agit d’une huître grasse, bien en chair.
Grelat, racasse : Évoquant le son de grelots tintants, ce sont des huîtres ébectées (dont la coquille est trouée ou entre-ouverte) ou en manque d’eau qui rendent un son creux et sonnent quand on les frappe entre elles.
Chafraille, coque : Huître morte.
Cravans, balane : Petits coquillages collés sur les huîtres.
Galli, cressance : Toutes petites huîtres, proches du naissain, agglutinées sur les coquilles d’huîtres plus grosses.
Chacotis : Petites huîtres non vendables dont le calibre se situe entre le naissain et le n°6.
Terminologie marine des huîtres
Eve : Belle allégorie féminine justement employée pour désigner l’élément primaire de notre travail et la source de la vie en général : l’eau.
Bourgh’oueses, Bourch’ouses : Surnom nettement moins biblique des femmes…
Chuvasoute, vasou : Ostréiculteur
Galope-chenaux : Autrefois, celui qui vivait exclusivement de la pêche, souvent illicite, des coquillages dans les chenaux. Aujourd’hui, le terme désigne la personne qui vit de menus travaux ostréicoles.
Flot / Jusant : Marée montante / marée descendante
Maline, vives-eaux : Période pendant laquelle les marées atteignent leur amplitude maximale.
Mort d’eau : Période de faible amplitude des marées.
Doucin : Mélange d’eau et d’eau de mer.
Ragouillis : Clapotis
Gauger : Remplir ses bottes d’eau.
Fagne, merghi : Vase
Baurne, gaudre : Maculé de vase
Chancre : L’expression « dévorer comme un chancre » vous parle ? Elle est issue du nom du petit crabe qui s’insinue dans les moules pour les grignoter.
Morue : Même si les huîtres portugaises ont pris possession de nos côtes, il n’est pour autant pas question ici du poisson phare du Portugal, mais du nom donné à une pierre garnie d’algues…
Pissout : Charmant nom très à propos donné à une petite algue en forme de boule qui se colle sur les huîtres et gratifie celui qui a le malheur de la percer d’un sympathique jet d’eau de mer.
Trois-pieds : Petit problème de comptes ? Il s’agit de l’étoile de mer, pourtant pentapède. Allez comprendre…
Crépidule : Coquillage prédateur, tout comme le burgot, le bigorneau perceur.
Au rythme d'Éole
Nour : Vent de nord
Noroît : vent de nord-ouest
Norde : vent de nord-est
Sû : vent de sud
Suroît : vent de sud-ouest
Sude : vent de sud-est
Vimère : Dégâts occasionnés par une forte tempête
Un peu de chauvinisme...
Chuterreux : Agriculteur
Baignassout’s, Baignout’s : Affectueux surnom avec lequel il nous arrive, parfois, et bien entendu avec la plus grande bienveillance, de gratifier les touristes…
Anecdotes ostréicoles
Numéro d'huîtres
Savez-vous pourquoi nous attribuons aux huîtres des numéros de 6 à 1 pour évoquer leur calibre ? Traditionnellement, on les classait sans ces catégories en fonction du nombre d’huîtres qui pouvait tenir dans une main.
Pourquoi vend-on nos huîtres à la douzaine ?
Il y a fort longtemps, dans nos contrées marécageuses, à une époque éloignée où chacun ne savait pas nécessairement compter, on se servait du pouce pour compter sur les 12 phalanges des autres doigts. C’est ainsi que sont nés les comptes à la douzaine.
Avoir un QI d’huître…
Les huîtres n’ont effectivement pas de système nerveux central, donc pas de cerveau. Elles possèdent en revanche un cœur formé d’une oreillette et d’un ventricule, situé près du muscle adducteur, également appelé le nœud. Si l’huître n’appartient donc pas à l’espèce vivante la plus loquace, elle n’en manque pas moins de tendresse…
Et voilà, vous êtes désormais prêts à embarquer avec nous pour un dépaysement sémantique garanti !
On ne s’ennuie pas chez les chuvasoutes…
Vous voulez en savoir plus sur les huîtres ? Lisez notre article L’huître dans l’histoire